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INTERVIEW
Dépendance aux benzodiazépines, calmants et somnifères: mieux comprendre pour s’en sortir
La consommation de benzodiazépines peut entraîner rapidement des risques de dépendance. Multipharma a interviewé le Dr Lou Richelle, médecin généraliste avec un tropisme en addictologie et vice-présidente du Département de Médecine Générale de l’H.U.B, pour mieux comprendre les mécanismes de l’addiction.
« Les benzos doivent être utilisés de manière limitée et à court terme »
Pharmacienne Multipharma : « Parmi nos patients âgés, je constate que bon nombre consomment des somnifères tous les jours alors qu’ils ne doivent être utilisés que de manière limitée et à court terme. Ils ne sont pas toujours conscients des risques d’accoutumance et des effets négatifs qu’ils peuvent engendrer. Notre rôle en tant que pharmacien est de les informer et de les encourager à contacter leur médecin pour mettre en place un plan de sevrage progressif. »
Comment définir la dépendance ou l’addiction?
C’est lorsqu’on ne sait plus se passer d’une substance, quelle qu’elle soit. Dans le cadre des benzodiazépines et médicaments apparentés, on observe une dépendance psychologique et physique. On a pris l’habitude de prendre un traitement tous les soirs pour s’endormir et on s’imagine qu’on ne pourra pas trouver le sommeil sans. Physiquement aussi, notre corps peut développer des symptômes de sevrage en cas d’arrêt soudain de la substance. On peut se sentir extrêmement mal, avoir un effet rebond de l’arrêt du produit. En raison du système nerveux central qui se réactive fortement, on va ressentir plus d’anxiété, plus de troubles du sommeil qu’auparavant.
Être dépendant aux benzos signifie qu’on doit augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets?
C’est un peu au cas par cas. Certaines personnes dépendantes peuvent se contenter de la même dose de molécule pendant des années, mais chez d’autres, celle-ci n’aura plus suffisamment d’effet à cause d’un effet d’accoutumance. Cela dépend de la personne, de la molécule et de l’environnement, ainsi que de la manière dont la personne arrive à contrôler ses prises ou a besoin d’augmenter la dose en fonction de l’effet recherché.
Sommes-nous tous égaux face à la dépendance? Existe-t-il des profils particuliers ou génétiques?
En matière de consommation de substances, qu’elles soient licites ou illicites ou de médicaments psychotropes, on se réfère aux modèles biopsychosociaux ainsi qu’à la triade d’Olievenstein, un psychiatre français. Cet outil met en relation la personne avec son histoire personnelle, son genre, la nature du produit, le contexte de consommation… Chaque parcours est singulier. Certains profils sont plus à risque. Par exemple les personnes qui ont des troubles de santé mentale, celles qui présentent une sensibilisation à des mécanismes addictifs, celles qui ont déjà des problèmes d’accoutumance à d’autres substances comme l’alcool ou des comportements compulsifs comme le jeu ou les achats. Si les personnes ont vécu des traumas divers, comme des violences familiales ou sexuelles, il y a un risque de s’automédiquer pour anesthésier tout cela.
Quels sont les dangers de la dépendance psychique et physique?
Lorsque que le psychotrope prend trop de place dans la vie de la personne, qu’elle a du mal à fonctionner sans, cela pose déjà problème. Chez la personne âgée - mais cela peut se manifester plus tôt -, on observe un déclin cognitif, des troubles de la mémoire, de la concentration, de la désorientation et un temps de réaction ralenti, ce qui est dangereux pour la conduite ou l’utilisation de machines par exemple. On observe également des risques de chute et de fractures à cause du problème de stabilité.
A long terme, la prise de benzos altère la qualité de sommeil car ces médicaments déstructurent les phases de sommeil. Lorsqu’on les combine avec d’autres substances comme l’alcool ou certains anti-douleurs, cela peut entraîner un risque d’arrêt respiratoire.
En combien de temps peut-on devenir dépendant aux benzos ?
En fait, tout dépend encore du profil de chacun. Certaines personnes peuvent développer une dépendance après 10 jours, d’autres après 4 semaines. En règle générale, on dit souvent qu’après 2 semaines, la balance bénéfice-risque n’est plus favorable. Après 4 semaines, on développe une dépendance, mais cela reste une moyenne. Pour éviter l’addiction aux benzos, on conseille de les prendre sur la période la plus courte possible.
Comment sortir de la dépendance?
C’est difficile d’y arriver tout seul, il vaut mieux se faire accompagner. Lorsqu’une personne prend depuis longtemps un benzo à faible dose, le médecin généraliste peut, en partenariat avec le patient, le diminuer progressivement, par pallier. Dans le cas d’une dépendance plus sévère, l’idéal est un plan de sevrage en concertation avec le médecin, le pharmacien, le psychologue ou le psychiatre pour accompagner au mieux la personne. Le pharmacien joue un grand rôle. Il connaît bien son patient, il a accès à son DPP (dossier pharmaceutique partagé), sous réserve de son autorisation. Il peut l’aider à lui faire prendre conscience qu’il a augmenté sa consommation, qu’il poursuit son traitement au-delà du temps indiqué. Il peut aussi contacter le médecin traitant quand il s’aperçoit que son patient se fait prescrire plus ou d’autres médicaments via d’autres médecins. C’est un peu le gardien moral vis-à-vis du patient et du médecin.
Quels sont les signes de dépendance à surveiller?
Vous vous assurez que vous avez toujours une boîte sous la main et vous vous sentez nerveux si vous n’avez pas votre médicament à proximité? Votre entourage s’inquiète de votre prise de médicaments? Vous ne respectez pas les doses indiquées sur votre prescription? Vous avez du mal à vous lever le matin? Vous vous sentez dans le gaz? Vous avez du mal à vous concentrer ou souffrez de pertes de mémoire? Ce sont ce genre de signes auxquels il faut être attentifs.
Êtes-vous dépendant des benzodiazépines ?
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