INTERVIEW - Antibiotiques : bien comprendre pour mieux les utiliser
Pourquoi faut-il une prescription pour obtenir un antibiotique ? Qu’appelle-t-on l’antibiorésistance ? Comment éviter les effets indésirables ? Anne Vandegaart, pharmacienne chez Multipharma, nous éclaire sur les grands principes d’utilisation et le rôle central du pharmacien dans le parcours de soins.
Dans quels cas prendre des antibiotiques, et pourquoi faut-il une prescription médicale?
Les antibiotiques ne sont actifs que contre les bactéries. Contrairement aux virus qui ont besoin d’une cellule hôte pour se reproduire, les bactéries sont des micro-organismes capables de survivre par eux-mêmes. Pour distinguer une infection virale d’une infection bactérienne, les symptômes ne suffisent pas : il faut parfois effectuer un frottis, un prélèvement, une prise de sang, ou s’appuyer sur le diagnostic du médecin. C’est pourquoi les antibiotiques ne sont disponibles que sur prescription.
Comment fonctionnent les antibiotiques sur notre organisme ?
Les antibiotiques ont des modes d’action variés, mais agissent généralement en détruisant la membrane de la bactérie. Ils sont classés par famille chimique (comme les pénicillines) et selon leur spectre d’action. Certains ciblent un groupe de bactéries très précis, d’autres sont à large spectre. Ces derniers ont la capacité de s’attaquer à un grand nombre de bactéries différentes, mais ce sont eux qui génèrent le plus d’antibiorésistance. Il est donc essentiel de bien cibler l’antibiotique, d’où l’importance de la prescription médicale.
En quoi consiste le phénomène d’antibiorésistance ?
Les antibiotiques à large spectre tuent toutes les bactéries, y compris celles utiles à notre organisme. Seules les plus fortes survivent et finissent par se multiplier. Au fil du temps, l’usage excessif ou inadéquat d’antibiotiques a entraîné la sélection de ces "superbactéries". Ces bactéries ont développé des mutations qui leur permettent de ne plus être sensibles à ce type d’antibiotiques. L’exemple typique est le staphylocoque doré, responsable d’infections nosocomiales (des infections attrapées à l’hôpital) et devenu résistant à plusieurs traitements. C’est un peu comme les dernières générations de poux qui ont développé une résistance aux shampooings traitants classiques. Pour limiter ce risque, on préfère aujourd’hui les antibiotiques à spectre étroit et un usage rationnel : la bonne dose, la bonne fréquence, la bonne durée.
Que répondez-vous aux patients qui demandent des antibiotiques sans ordonnance? Et à ceux qui ne veulent pas les prendre?
En tant que pharmacien, on ne dispose pas des informations suffisantes pour juger si un antibiotique est nécessaire ou non. Un symptôme identique comme un nez qui coule ou de la fièvre peuvent avoir une cause virale ou bactérienne.
Quant aux patients réticents à suivre leur traitement, ce n’est pas si fréquent que ça. Si c’est le cas, nous attirons leur attention sur le fait que si le médecin a prescrit un antibiotique, c’est que le traitement est justifié. Si un patient refuse, notre rôle est aussi de l’alerter sur les signes de complication possible.
Quels sont les risques de l’automédication ?
En plus du risque d’antibiorésistance, on peut masquer des symptômes importants. Une méningite, par exemple, pourrait passer inaperçue si les signes sont atténués par un antibiotique inadapté. C’est un danger à ne pas sous-estimer.
Y a-t-il des interactions avec d’autres médicaments ou substances ?
Oui. Par exemple, une diarrhée causée par un antibiotique peut réduire l’efficacité de la pilule contraceptive. Certains antibiotiques peuvent aussi renforcer la toxicité de médicaments comme les statines (anti-cholestérol). Il faut éviter l’alcool et se protéger du soleil, car certains antibiotiques sont photosensibilisants.
Pourquoi faut-il toujours terminer son traitement ?
Arrêter trop tôt, même si l’on se sent mieux, revient à ne tuer que les bactéries les plus faibles. Les plus résistantes survivent, se multiplient et peuvent à terme devenir inguérissables. Finir son traitement, c’est prévenir l’antibiorésistance et éviter que les médicaments n’aient plus d’effets sur les bactéries.
Quels sont les effets indésirables, et comment les limiter?
Les antibiotiques tuent les bactéries, et ils ne font pas la distinction entre les mauvaises et les bonnes bactéries. Celles qui nous rendent malades et celles qui sont nécessaires au bon équilibre de notre organisme. A ce titre, elles peuvent perturber la flore intestinale ou vaginale, provoquant diarrhées, mycoses, pertes blanches ou démangeaisons. Pour réduire ces effets, on peut recommander des probiotiques (bonnes bactéries), des prébiotiques (leur nourriture) et des levures résistantes aux antibiotiques. Ces compléments aident à rétablir l’équilibre du microbiote.
Il arrive également qu’on développe des réactions allergiques (aphtes, éruptions cutanées, choc anaphylactique) à une famille d’antibiotiques comme la pénicilline. C’est une information précieuse à communiquer à son médecin.
Que dire à un patient qui hésite à acheter un antibiotique à cause du prix ?
Les antibiotiques restent parmi les traitements les plus abordables et les mieux remboursés. Ceux qui ne le sont plus, sont justement ceux dont on veut limiter leur usage à cause de l’antibiorésistance. Un traitement prescrit à temps permet d’éviter des complications bien plus coûteuses.
Un dernier conseil ?
La meilleure médecine reste la prévention. La vaccination contre certaines bactéries, comme les pneumocoques, des bactéries qui provoquent des pneumonies, est essentielle. En tant que pharmaciens, nous avons un rôle clef à jouer dans la promotion de ces gestes préventifs.
Encore des questions liées aux antibiotiques, à vos traitements, à la prévention et à votre santé en général? N’hésitez pas à nous rendre visite en pharmacie. Nous sommes là pour vous et votre famille.
